Disparition de Michel Laclotte
Avec Michel Laclotte, décédé le 10 août 2022, à l’âge de 91 ans, disparaît un des principaux artisans de la transformation du paysage des musées français dans le dernier tiers du XXe siècle. Comme l’a relevé la presse, il fut un acteur majeur dans la création du musée du Petit Palais d’Avignon en 1976 et du musée d’Orsay, ouvert en 1986, puis, à partir de 1981, du projet d’extension et de modernisation du Louvre, dont il deviendra directeur en 1987 et président-directeur de 1992 à 1994. Après sa retraite, il pilota de 1995 à 2000 la création de l’Institut national d’histoire de l’art.
Je voudrais souligner ici le rôle fondamental qu’il joua dans la Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dite « mission Mattéoli », qu’il fit bénéficier de son expérience d’historien de l’art et de conservateur de musée. À partir de la fin de l’année 1998, il coordonna les travaux de l’équipe de chercheurs chargés de retracer l’historique des localisations et des changements de mains des quelque deux mille œuvres « MNR » confiées à la direction des Musées de France. Son autorité morale et scientifique auprès de l’ensemble des conservateurs des musées français permit de faire avancer de façon déterminante ce dossier demeuré en jachère depuis la dissolution de l’éphémère Commission de récupération artistique (1944-1949).
Les travaux de la mission Mattéoli se concluront notamment par la publication en 2000 du rapport d’Isabelle le Masne de Chermont et Didier Schulmann intitulé Le Pillage de l’art en France pendant l’Occupation et la situation des 2000 œuvres confiées aux musées nationaux. Dans le prolongement, Laurence Sigal organisera l’exposition « À qui appartenaient ces tableaux ? / Looking for owners » présentée en 2008 au musée d’Israël à Jérusalem puis au mahJ à Paris.
Compte tenu de la difficulté pour les professionnels des musées de reconsidérer, à partir des années 1980, le statut de ces œuvres, pour la plupart spoliées, conservées dans les collections publiques depuis quatre décennies, l’engagement de Michel Laclotte témoigne de son exigence éthique et d’un remarquable sens de l’intérêt général.
À titre personnel, comme directeur de l’auditorium du Louvre, j’ai eu le privilège de travailler sous son autorité de 1992 à 1994, et je tiens à témoigner non seulement de ses qualités humaines exceptionnelles, qui suscitaient l’adoration de ses équipes, mais aussi de son immense culture, de son insatiable curiosité, de son ouverture à la modernité, et de son dévouement absolu à l’histoire de l’art et aux musées, passions de sa vie.
Paul Salmona
Directeur du mahJ