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Disparition de Christian Boltanski

Avec le décès de Christian Boltanski, le 14 juillet 2021, à l’âge de 76 ans, le mahJ perd un ami et le donateur de l’une des œuvres les plus importantes de sa collection.

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Christian Boltanski

Christian Boltanski au mahJ

Au cours des années 1990, de son dialogue avec Laurence Sigal, fondatrice et première directrice du musée, naissaient Les Habitants de l’hôtel de Saint-Aignan en 1939. Cette œuvre majeure, installée dès l’inauguration du mahJ en 1998 rappelle une histoire que la restauration de l’hôtel a effacée : celle de la présence dans ce lieu, avant-guerre, de artisans (fourreurs, casquettiers, chapeliers, tailleurs, tricoteurs...), juifs pour la plupart, dont beaucoup périrent dans la Shoah. Boltanski avait choisi de rendre à l’hôtel cette mémoire par l’évocation des noms de tous ses habitants en 1939, juifs et non juifs, en se fondant sur de rigoureuses recherches d’archives. Quatre-vingts affichettes collées de façon aléatoire, à la manière des nécrologies placardées sur les murs des villes d’Europe orientale et de Méditerranée, rappellent ainsi leurs identités, accompagnées d’indications biographiques : lieu de naissance, métier et parfois date du convoi de déportation.

Bien que la Shoah hante l’ensemble de son œuvre, Christian Boltanski ne l’avait que rarement abordée explicitement. Au mahJ, il se confronte à la dimension individuelle du génocide à travers une liste de noms réels, métonymie du destin de nombre de juifs du Marais. Pour l’artiste, à la différence des monuments aux morts que l’on ne voit plus dans le paysage urbain, cette œuvre de papier que le temps dégrade et qu’il convient de refaire régulièrement, se rappelle au souvenir des vivants par sa fragilité.

En 2004-2005, le mahJ exposait Le Théâtre d’ombres (1984-1997), prêté par le musée d’Art moderne de Paris. Inspirée du dispositif des ombres chinoises, l’œuvre évoque la caverne platonicienne, les origines de la peinture chez les Grecs, la danse des morts des mystères du Moyen Âge, la légende du Golem, la Kabbale, le processus photographique…

À l’occasion de la Nuit blanche 2008, Christian Boltanski retrouvait le chemin du mahJ avec Gute Nacht, une installation musicale créée avec Jean Kalman (lumières) et Franck Krawczyk (musique).

En 2011, il présentait à l’auditorium son ouvrage La Vie possible de Christian Boltanski (Seuil, 2010). Telle une cure psychanalytique, cette série d’entretiens avec Catherine Grenier reposait sur une règle du jeu précise : raconter sa vie comme son œuvre en évitant toute modification ou censure de la parole livrée.

On retrouvera Christian Boltanski sur le site Internet du musée, filmé en 2018 par Isabelle Filleul de Brohy à l’occasion de la troisième réinstallation des Habitants de l’hôtel de Saint-Aignan en 1939. Dans ce document de seize minutes, l’artiste explicite la genèse de l’œuvre et l’évolution de son rapport à la judéité.

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