Jean Lubin Vauzelle, Intérieur de la synagogue de Bordeaux avec son architecte, A. Corcelles, Bordeaux, vers 1812
Intérieur de la synagogue de Bordeaux avec son architecte, A. Corcelles
Jean Lubin Vauzelle (Angerville-la-Gâte, 1776 – Paris, 1837)
Bordeaux, vers 1812
Huile sur toile, 98,8 x 109 cm
L’édification de synagogues monumentales au cours du XIXe siècle est l’un des aspects les plus visibles de l’entrée des juifs dans l’espace public. Si des lieux de culte, souvent précaires, existent déjà dans les régions qui abritaient des communautés juives avant la Révolution – notamment à Bordeaux où l’on en dénombre huit au début du XIXe siècle –, cet édifice inauguré en 1812 constitue la première synagogue consistoriale (siège d’un consistoire et d’un grand rabbinat) construite en France après les décrets impériaux de 1808 organisant le culte israélite. Des sept circonscriptions créées sur l’actuel territoire français, le consistoire de Bordeaux contrôle alors dix départements du sud-ouest.
Implantée dans le quartier juif, rue Causserouge, cette synagogue est l’œuvre de l’architecte bordelais Armand Corcelles (1765-1843), représenté sur cette vue intérieure, par le peintre Jean Lubin Vauzelle, un disciple d’Hubert Robert, spécialisé dans les vues d’architectures.
De style néoclassique, à plan basilical, la synagogue emprunte au répertoire architectural de son temps, tout en s’adaptant à son usage spécifique. La disposition centrale de l’estrade et du pupitre de lecture (bimah), des sièges sur les côtés et des tribunes des femmes à l’étage, rappelle celle de la grande synagogue portugaise d’Amsterdam, achevée en 1675. La forme très particulière de l’arche sainte – dont les portes en bois ne sont pas cachées par le traditionnel rideau (parokhet) disposé à l’intérieur –, en constitue aussi une copie directe. On notera à l’avant de la bimah recouverte d’un drap de velours rouge, juste en-dessous du grand chandelier à sept branches rappelant celui du Temple de Jérusalem (menorah), l’exposition d’ornements de bâtons de Torah (rimmonim) en argent, coutume là encore typiquement séfarade. L’ensemble dégage une impression d’ordre et de respectabilité du culte « israélite », qualificatif faisant alors référence au projet de régénération et d’intégration de la minorité juive.
Comme l’indique son éclairage zénithal, la synagogue est insérée dans le bâti environnant, sans ouvertures latérales, mais directement visible de la rue. Sa façade, connue par un dessin conservé aux archives municipales de Bordeaux, affirme clairement sa spécificité, cas exceptionnel avant le milieu du XIXe siècle, confirmant l’intégration exceptionnelle des juifs bordelais. En effet si les deux colonnes encadrant le portail, inspirées de celles du Temple de Jérusalem, Yakhin et Boaz, se retrouvent souvent dans l’art chrétien, ses baies empruntent la forme de la mitre à deux cornes du grand prêtre Aaron, imposée aux rabbins du « Grand Sanhédrin » par Napoléon en 1806. L’ensemble est couronné de Tables de la Loi, le principal symbole désignant les synagogues en France jusqu’aux années 1940.
Détruite par un incendie en 1873, elle a été reconstruite en 1882.
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