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Lettre

DREYFUS, Alfred
Îles du Salut, Guyane, France,
1895.03.14
Inv.
2004.27.033.006
Document d'archives
Lettre
Dimensions :
H. 17,8 - L. 11,6 cm
Écriture manuscrite à l'encre violette sur papier
mahJ,
don de Gilbert Schil

Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.

Appartenance à un ensemble
Ensemble de lettres
Destinataire
DREYFUS, Louise
Justification de la date
Date inscrite dans le texte
Historique
Copie par Louise Dreyfus-Cahn sans doute .
Description
Une feuille de papier avec une marge noire, pliée en deux et dont les faces sont couvertes d'une écriture manuscrite.
Début du texte " Iles du Salut/ Jeudi 14 mars 1895/ Ma chère Louise/ Quelle horrible vie que la mienne et quel martyr! Mais tout cela aura une fin, car ou mon honneur me sera rendu, ou je mourrai. Le chagrin et la déception font leur œuvre; je fais en ce moment les plus grands efforts pour résister car je voudrais, avant de mourir, avoir au moins la consolation suprême de savoir que mon nom est lavé de l'horrible souillure qu'on lui a infligée et que je laisse à mes enfants un nom pur et sans tache.
Mais quoiqu'il advienne de moi, il faudra que vous souteniez Lucie, que vous lui inculquiez cette idée que sa mission est plus haute que son chagrin, si grand qu'il puisse être, qu'il faut qu'elle vive pour réhabiliter mon nom.
J'aimerais mieux en effet savoir mes enfants morts tous deux que de penser qu'ils vivent en portant un nom déshonoré.
Mais j'ai la conviction intime qu'en y mettant ["de" rayé] la persévérance voulue , l'énergie nécessaire vous arriverez tôt ou tard à découvrir la vérité. Seulement de la rapidité de vos recherches dépend ma vie. Je n'ai cédé à Lucie après ma condamnation que parce que j'avais la conviction que vous pourriez arriver à faire la lumière. Il faut obtenir le nom du coupable par tous les moyens possibles, ou l'un échouera ..., l'autre réussira mais croire que je pourrai supporter longtemps le mépris si légitime qui s'attache à l'être que je représente, c'est s'illusionner. Songe que pour tous ceux qui me voient et qui m'approchent, je suis le dernier des gredins, je ne mérite aucune pitié car il n'y a pas au monde de plus grand crime que celui pour lequel je suis condamné. Dites-vous bien aussi que les convictions quelles qu'elles soient ne signifient rien, il faut démasquer le véritable coupable et aboutir à un jugement me réhabilitant.
Rien ne vous sert de gémir et de pleurer. Il vous faut à tous une énergie sans pareille; il faut poursuivre sans trêve ni repos l'œuvre que vous avez entreprise. Il le faut non seulement pour moi, mais pour mes enfants, pour nos deux familles.
Quant à moi, je fais des efforts surhumains pour résister à mon immense désespoir, pour arriver à vivre, jusqu'à la réhabilitation. Mais si vous voulez que j'en jouisse encore, hâtez-vous d'aboutir. Le seul adoucissement que vous puissiez apporter à mon horrible situation, c'est de me faire rendre mon honneur. Dis-le bien à Mathieu. Communique cette lettre à Jacques, Henriette, Léon et Rachel. je ne pourrais que leur répéter ce que je dis à toi-même.
Je ne saurai te faire une description des Iles où je suis car je ne les connais pas encore, étant enfermé.
Embrasse Arthur pour moi et reçois pour toi des baisers affectueux de ton dévoué frère Alfred.
Mes respects à ta belle-mère. Dis à tous de m'écrire. Il y a 2 courriers par mois pour les Îles. Un courrier français qui part, je crois, dle 9 de France et un courrier anglais dont je ne connais pas la date de départ.
Donc inculque bien cette idée à tous. Il faut aboutir à tout prix, indépendamment de ma personne, car il le faut pour vous tous aussi, pour l'honneur de votre nom.
[latéralement à gauche] Vous n'avez pas le droit de vous laisser aller au désespoir car il faut que vous remplissiez votre mission et ma mort même ne doit pas vous arrêter. Mais si vous voulez que je jouisse encore de votre œuvre, faites vite. Hâtez-vous."
Marques
Filigrane "Laroche Joubert Angoulême" dans le papier
Langue
français