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Bookshop favorites

Tous les mois, l'équipe du musée recommande une sélection de romans, essais, livres beaux-arts, bandes dessinées ou CD.

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Jérôme Galland

Photographie

Didier Ben Loulou, Judée, La Table ronde, 2023, 26 €

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Judée Didier Ben Loulou

De livre en livre, le photographe franco-israélien Didier Ben Loulou poursuit son exploration minutieuse du pourtour méditerranéen et de ses secrets. Son nouveau recueil, Judée, s’attache à la région entourant Jérusalem, région de collines et de déserts aux paysages contrastés, chargée de son passé biblique. Bédouin et troupeau de bêtes, ronces en feu, terrasse de maison au linge séchant, visages d’enfants, tombes anciennes délaissées, herbes folles et grenades… Les photographies conjuguent le trivial avec le sacré, l’antique avec le contemporain, mais c’est leur dimension essentiellement poétique qui l’emporte. Amoureux des couleurs fortes et des contrastes, le photographe exprime l’aridité, la force, autant que la douceur et la richesse d’un territoire empli d’histoires et de vies.

Le mahJ a eu la chance d’exposer le travail de Didier Ben Loulou à plusieurs reprises.

Nicolas Feuillie, responsable des collections photographiques


Littérature

James McBride, La couleur de l’eau, traduit de l’américain par Gabrielle Robin et Marc Boulet, Gallmeister, 2020, 9,50 €

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La couleur de l'eau James McBride

La couleur de l’eau est un roman autobiographique de James McBride, qui y raconte son histoire et celle de sa famille. Sa mère, Ruchel Dwajra Zylska, devenue plus tard Ruth McBride, est née en Pologne en 1921 dans une famille juive orthodoxe. Elle émigre avec ses parents aux États-Unis, avant la guerre, dans l’état de Virginie. L’enfance de Ruth, que nous raconte James McBride, est extrêmement éprouvante, avec un père violent, raciste, dans un état rural américain tout autant violent et raciste, où le Ku Klux Klan, la xénophobie et l’ennui semblent omniprésents. Ruth y tombe amoureuse d’un homme noir. Son père, égal à lui-même, l’exclut de la famille, et récite même le Kaddish pour sa fille. Ruth fuit à New York, elle y aura douze enfants, dont James, tous métis, et tous ignorant les origines de leur mère. Elle les élèvera en les tirant vers l’excellence, avec un courage, une maîtrise, et une « débrouille » dont James est admiratif dans ce magnifique hommage : « J’ai écrit ce livre pour ma mère, et sa mère, et toutes les mères du monde ». Adulte, James apprend que sa mère, « la seule blanche » de leur quartier de New York, est juive, et donc qu’il l’est aussi. Pour aboutir à ce livre remarquable, et pour enfin démêler les mystères entourant son identité, James McBride interroge sa mère, creuse son passé, et réécrit le fil de leur vie.

Ruben Marx, libraire


 

Marie de Lattre, La Promesse, Robert Laffont, 2023, 20 €

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La Promesse Marie De Lattre

Le mahJ vient de faire l’acquisition d’un tableau d’Isaac Kogan, peintre influencé par l’Ecole de Paris et son atmosphère : Pont de Melun, 1929. Hersh Fenster lui a consacré une page de notice dans son ouvrage-mémorial Nos artistes martyrs (Hazan-mahJ). Kogan et sa femme Frieda, ainsi que sa belle-mère et sa jeune belle-sœur, ont été arrêtés à Paris, internés à Drancy de novembre 1942 à février 1943, puis déportés par le convoi 46 et assassinés à Auschwitz.

La petite-fille d’Isaac Kogan, Marie de Lattre, publie La Promesse, un récit stupéfiant dans lequel elle révèle le difficile cheminement depuis la promesse faite à son père de garder le silence sur leurs origines juives vers la délivrance d’une vérité familiale. L’intrigue est passionnante. Le lecteur part à la découverte des figures de ses grands-parents (biologiques et adoptifs - Pierre de Lattre et Madeleine), du « quatuor amoureux » qu’ils formaient, à partir de leurs correspondances croisées, de photographies, d’éléments trouvés dans les archives et de témoignages. L’auteure prend conscience de secrets jamais dévoilés. Par son travail d’écriture, elle se « libère de cette suffocation », protège la génération de ses enfants et « offre une tombe » à ses aïeux sans sépulture.

Pierre et Madeleine ont reçu la médaille des Justes en février 2012. Jacques, le fils de Kogan et Frieda, père de Marie de Lattre, a été sauvé grâce à eux, fidèles à leur promesse faite à leurs amants respectifs de veiller sur l’enfant. « N’oublie pas l’enfant » écrit Kogan à Madeleine, phrase placée en exergue du livre. « Sois un père pour l’enfant, pourvu qu’il ne soit pas avec nous » demande Frieda à Pierre, dans une de ses dernières lettres, déchirante.

Ouvrage d’une « mémoire retrouvée », ce livre s’est imposé à Marie de Lattre, qui se devait pour son père de « redonner vie [aux] mots oubliés » de ses grands-parents, en une œuvre de réconciliation avec le passé.

Myriam Soussan, responsable adjointe de la librairie


Bande dessinée

Asaf Hanuka, Le Juif arabe, traduit de l'hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech, Steinkis, 2023, 20 €

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Le juif arabe Asaf Hanuka

Dans les 4 tomes de K.O. à Tel Aviv, parus chez Steinkis de 2012 à 2021, Asaf Hanuka peignait par le moyen de l'autofiction et de mini-chroniques, les petits et grands tracas de la vie quotidienne ordinaire d'un couple de la classe moyenne israélienne de gauche et de ses deux enfants.
 
Dans son nouvel album, notre auteur au désespoir plein d'humour aborde un pan de l'histoire familiale auréolé de mystère : l'assassinat de son arrière-grand-père Abraham par un Arabe à Tibériade, en 1936, lors des révoltes arabes.
 
En 2001, de retour à Tel Aviv après son service militaire et quatre années d'études du dessin passées à Lyon, le jeune Assaf retrouve le pays et ses parents avec un œil nouveau. Il s'intéresse alors à l'histoire de sa famille paternelle, des juifs kurdes, pour certains, installés à Tibériade depuis des générations, pour d'autres, arrivés à la fin des années 1920.
 
Ce récit a d’abord été publié à raison de deux pages par semaine dans le quotidien économique israélien Calcalist. Chaque double page représente alternativement, en noir et blanc, le présent et l'enquête menée par l'auteur, et en couleur, le passé et l'histoire familiale.
 
« Le juif arabe », c'est à la fois la figure d'Abraham, cet arrière-grand-père assassiné, mais aussi celle de BenTsion/Sayed, jeune orphelin arabe adopté par Abraham puis accusé de l'avoir tué, et bien sûr celle d'Asaf Hanuka, héritier de cette identité judéo-arabe. Un récit passionnant qui essaie d'éclairer les zones d'ombres du récit familial et du récit national.

Gaëlle Collin, responsable de la librairie


Coups de cœur précédents


Littérature

Monsieur Romain Gary. Consul général de France : Los Angeles, 1956-1960
Kerwin Spire, Folio Gallimard, 2022, 8,70 €

Monsieur Romain Gary. Vol. 2. Ecrivain-réalisateur : 108, rue du Bac, Paris VIIe, Babylone 32-93
Kerwin Spire, Gallimard Blanche, 2022, 20,50€

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Monsieur Romain Gary

J’ai tout aimé dans les deux ouvrages de Kerwin Spire sur Romain Gary : le fond et la forme. J’ai aimé passer du temps avec notre ancien compagnon de la Libération, de sa découverte de l’Amérique des années 1950-1960 à son retour à Paris, accompagné de Jean Seberg. J’ai partagé leur passion et j’ai eu peur pour lui quand il a défié en duel Clint Eastwood ! J’ai aimé croiser Odette, sa secrétaire au consulat de Los Angeles (un vrai personnage de roman !), le général de Gaulle, André Malraux, Albert Camus… En quelques mots : une lecture toute à la fois réjouissante et mélancolique… qui fait du bien !


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Monsieur Romain Gary II

Marie-Jo Spinosa, assistante de direction


Beaux-arts

Le maillet et le ciseau. Souvenirs de ma vie

Ossip Zadkine, Paris-Musées, 2022, 14,50€

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Le maillet et le Ciseau

Dans ses souvenirs, Ossip Zadkine, né en 1888 à Vitebsk, ville bien connue de Marc Chagall, revient sur ses premiers voyages et années d’apprentissage à Londres, puis sur son retour en Russie, à Smolensk. L’appel de Paris, alors centre artistique majeur, bouillonnant d’artistes juifs comme lui venant de toute l’Europe, éveille sa sensibilité puisée aux sources primitives de l’art, bien loin d’un ordre académique prôné dans les cours des différentes écoles.

Il commence à tailler le bois et sculpte ses premières œuvres. Il dira à ce propos « qu’elles parlaient leur langue primitive », ce qu’il cherche à rendre très tôt. Dès 1921, sa sculpture connaît le succès tout d’abord à l’étranger.

À Paris, depuis 1928, Zadkine a quitté l’atelier de la rue Rousselet pour louer rue d’Assas un pavillon avec jardin pour vivre et un grand atelier pour son travail. Cet atelier est aujourd’hui devenu le musée Zadkine, l’un des rares ateliers de sculpteurs qui ont pu être sauvegardés à Paris, témoignant du Montparnasse des artistes. Lors d’un voyage dans le Lot, en 1934, sa femme et lui achètent une maison aux Arques, un petit village du Quercy, qui deviendra son atelier principal.

New York, 1937 : la rencontre d’un juif hongrois, Brunner, lui permet de confronter ses œuvres au regard neuf des Américains. A partir de 1941, Zadkine se réfugie aux Etats-Unis, afin de fuir le nazisme. C’est lors d’un long séjour en Arizona, qu’il peint ses vingt-huit dessins, sur les douze travaux d’Hercule. Il revient dans ses mémoires sur leur élaboration et la joie qu’il eut à les créer. 

De retour en France, en 1945, il réalise que tout son être est d’être ébéniste, ce qui l’amène à diriger la classe de sculpture de l’Académie de la « Grande Chaumière » où différentes nationalités se côtoient. A ce poste qu’il occupe jusqu’en 1958, il aide ses élèves à se réaliser loin de l’académisme alors en cours. 
Il s’éteint en France en 1967. Le Maillet et le Ciseau. Souvenirs de ma vie offre au lecteur la possibilité de suivre la destinée de Zadkine, vrai artisan de la matière.

Steve Isidor, responsable de la billetterie


Rire & lire avec Pierre Dac

https://www.mahj.org/fr/rire-lire-avec-pierre-dac


Shoah

Dans les pas d’Hélène Berr

Mariette Job, Le Bord de l’eau, 2023, 160 pages, 18 €

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Dans les pas d'Hélèbe Berr Mariette Job

En 2008, plus de soixante ans après la disparition de son auteur dans le camp de Bergen-Belsen, le Journal d'Hélène Berr paraît chez Tallandier. Il décrit la vie quotidienne d'une étudiante juive à Paris sous l'Occupation de 1942 jusqu'à son internement à Drancy en 1944.

Considéré comme un important témoignage d’un intérêt historique et littéraire, préfacé par Patrick Modiano, il connaît un succès immédiat et est vendu à plus de 100 000 exemplaires en quelques mois. L'année suivante paraît l'édition de poche et une édition abrégée accompagnée d'un appareil critique à destination des lycéens.
Pourquoi et comment le manuscrit a-t-il été édité six décennies après l'assassinat de cette jeune et brillante étudiante ? C'est à cela que répond l'ouvrage de Mariette Job, nièce d'Hélène Berr et initiatrice de l'édition du Journal. Elle, qui a vécu depuis son plus jeune âge avec l'ombre mais aussi la lumière de sa tante disparue, raconte à la fois l'histoire du manuscrit original, les trajectoires des membres de la famille Berr et de ses proches, ainsi que son propre parcours d'enfant de la « deuxième génération » .

Dimanche 4 juin 2023 de 14h à 16h30, le mahJ propose une promenade hors les murs intitulée « Dans les pas d’Hélène Berr »animée par Julien Coutant, professeur de Lettres et médiateur pédagogique au Mémorial de la Shoah, en présence de Mariette Job. 

Gaëlle Collin, responsable de la librairie


Beaux-arts

Soutine et son temps

Emil Szittya, Éditions du Canoë, 2023, 128 pages, 15€

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Soutine et son temps

Écrivain, journaliste, peintre de talent et poète, Emil Szittya est né à Budapest en 1886 et s’installe à Paris en 1906. Proche de Blaise Cendrars, de Chagall et de Soutine, c'est entre 1914 et 1918 à Zurich qu'il côtoie Lénine, Radek, puis le mouvement Dada et qu'il se lie d’amitié avec toute l’avant-garde européenne. Mort en 1964, il laisse une œuvre étonnante qui mérite d'être redécouverte : son ouvrage sur les rêves d'hommes et de femmes en France durant la Seconde guerre mondiale 82 rêves pendant la guerre, 1939-1945 a été réédité en 2019 chez Allary.

En mai dernier, l'auditorium lui consacrait une soirée : https://www.mahj.org/fr/media/emil-szittya-le-vagabond-des-avant-gardes

Dans ce « petit roman-reportage », comme il le désigne lui-même, Emil Szittya se penche sur le destin de Chaïm Soutine, artiste de renommée internationale, et dépeint avec sensibilité la vie du peintre de Smilovitchi, son village natal en Lituanie, à Paris, mais aussi la réalité d'une époque, la misère du Paris des années 1910 et 1920.

Gaëlle Collin, responsable de la librairie

 

Cuisine

Le tahini. Dix façons de le préparer, Claire Bastier, Les Éditions de l’Épure, 2022, 10€
Le sumac. Dix façons de le préparer, Claire Bastier, Les Éditions de l’Épure, 2021, 10€
Le zaatar. Dix façons de le préparer, Noha Baz, Les Éditions de l’Épure, 2019, 10€

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éditions de l'épure

Les précieux livrets de la collection « Dix façons de le préparer » sont publiés par les Éditions de l’Épure depuis plus de trente ans. Ils exposent en vingt-quatre pages dix façons originales d’agrémenter un même aliment, préalablement présenté dans une courte préface rédigée par l’auteur. Conçus avec des papiers de qualité, reliés avec du fil de lin, ils sont façonnés à l’ancienne, le haut et le bas des pages ne sont pas découpés ; il faut se munir d'un coupe-papier pour découvrir leur contenu. La composition typographique et les couleurs des papiers sélectionnés en font de magnifiques livrets à offrir ou à collectionner !

Ces dernières années, le zaatar, le sumac et le tahini (thina en hébreu), trois épices et condiments incontournables de la gastronomie proche-orientale, ont fait l’objet d’un petit volume de la collection. Le sumac et le tahini sont présentés par Claire Bastier, journaliste passionnée de boulangerie qui a travaillé à Jérusalem de 2014 à 2020, tandis que le livret consacré au zaatar a été écrit par Noha Baz, spécialiste de la gastronomie libanaise (elle est née à Alep en Syrie et a grandi au Liban, avant de venir étudier la médecine à Paris).

Le mot « zaatar » qui signifie littéralement origan en arabe, est un mélange de feuilles d’origan séchées puis moulues auquel viennent généralement s’ajouter des graines de sésame torréfiées. Selon les régions, le zaatar s’enrichit d’autres épices et ingrédients. On lui prête mille et une vertus au Proche-Orient. Mélangé à l’huile d’olive, il est l’indispensable nectar que l’on déguste aux différents moments de la journée dans des recettes salées, voire sucrées.

Son goût salé relève les plats, sa note citronnée étonne plus d’un palais. C’est cela le zaatar, une épice qui s’avère sucrée, aux notes rafraîchissantes, en un mot, surprenante ! Dix façons de le préparer, certes, mais, aussi dix façons de découvrir les subtilités et la diversité de sa palette gustative !

Gaëlle Collin, responsable de la librairie
Steve Isidor, responsable de la billetterie


Essai

L’Affaire 40/61

Harry Mulisch, traduit du néerlandais par Mireille Cohendy, « Arcades » Gallimard, 272 pages, 14,75 €

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Mulisch L'Affaire 40 61

Harry Mulisch, considéré comme le plus grand écrivain néerlandais du XXe siècle, disait pour se décrire qu’il était la Deuxième Guerre mondiale à lui tout seul : sa mère était juive et son père un éminent collaborateur de l’occupant nazi. Romancier, philosophe, essayiste, Mulisch fut aussi journaliste. En 1961, tandis qu’Hannah Arendt se rendait à Jérusalem suivre le procès Eichmann pour le New Yorker, Mulisch s’y rendait lui aussi, pour le compte d’un hebdomadaire néerlandais. De cette expérience, il a tiré L’Affaire 40/61, du nom du dossier Eichmann au tribunal de Jérusalem. Passionnant de bout en bout, d’une acuité à laquelle Arendt elle-même rendit hommage, L’Affaire 40/61 nous permet de revivre ce moment d’histoire au plus près, au côté d’un auteur qui fut aussi un poète et un voyageur. Captivés, nous le suivons tandis qu’il parcourt Israël, ce pays encore neuf, et nous fait partager, dans un style singulier, ses émotions et ses réflexions.

Marie-Jo Spinosa, assistante de direction
 


Histoire

Henry Kissinger. Le diplomate du siècle

Gérard Araud, « Texto » Tallandier, 269 pages, 10 €

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Kissinger

C’est en référence à la ville de Bad Kissingen, aux portes de Nuremberg, en Bavière, que les ancêtres de Henry Kissinger prennent leur nom. Issu d’une famille de la bourgeoisie juive de la ville, ses parents sont strictement orthodoxes et le jeune Henry suit une éducation fidèle aux injonctions rituelles du judaïsme. Après le vote des lois antisémites dites de Nuremberg en 1935, Paula, la mère du jeune Kissinger organise très vite leur départ vers les Etats-Unis ; et c’est bien elle qui non seulement sauve la famille, mais ensuite la porte par sa foi, son énergie et son travail.

Un parcours brillant amène Kissinger à Harvard en 1937. L’année 1968 est décisive à plus d’un titre : il devient conseiller à la sécurité nationale sous Nixon. Dès lors, sa carrière est liée à celle du président. Il réussit à sortir indemne du scandale du Watergate et devient l’ancre de stabilité d’une administration engloutie par cette affaire. Fidèle, il le demeurera par son soutien psychologique jusqu’au bout à l’égard de Nixon.

Personnage « mille-feuilles », mondain, celui qui voulait être aimé et admiré, s’est toujours arrangé à force de double langage, mêlé de prudence, à se donner le rôle d’un infatigable négociateur, inaugurant la « diplomatie de la navette ». Il n’a cessé d’appeler à une forme d’entente et d’équilibre entre grandes puissances pour éviter un conflit.

En 1977, il quitte définitivement le pouvoir, non sans avoir reçu quatre ans avant le prix Nobel de la paix, controversé par beaucoup, notamment dans le contexte de la guerre du Vietnam. Le lecteur jugera.

Kissinger aura 100 ans bientôt…
 

Steve Isidor, responsable de la billetterie
 


CD

Eastern spring

Madeleine & Salomon, Tzig’Art, 2022

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Madeleine & Salomon Eastern Spring

Le duo Madeleine et Salomon nous invite à un voyage vers l’Orient avec pour seuls bagages une voix et un piano. En neuf morceaux et en anglais, Clotilde Rullaud et Alexandre Saada revisitent la pop orientale des années 60 /70 faisant instantanément disparaître les frontières et souffler un vent de liberté, de Beyrouth à Tel Aviv en poursuivant vers Téhéran.


Eastern spring est un ensemble lancinant et puissant, mâtiné d’une touche de nostalgie mais avant tout porteur d’espoir et dont les mélodies envoûtantes continuent de nous accompagner bien après les dernières notes de l’album.
 

Élise Malka, responsable du service Éducation et médiation


CD

Le Ciel est partout

Blaubird, Elles et O records, 2022

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Blaubird Le ciel est partout

Blaubird nous invite à nous abandonner à ses ailes pour une odyssée musicale d’une lumineuse mélancolie. Passionnément, elle enlace les langues qui sont comme de petits bouts d’elle : le yiddish, l’allemand, le français, l’anglais, l’espagnol et l’arabe.
Elle tisse des extraits de films avec les premières notes d’un nigun, les vers des poètes avec les échos de pièces lyriques.

De sa voix, douce et profonde, Blaubird chante l’amour, l’attente, les corps enlacés, le chagrin, le courage et la liberté ; et de ses figures tutélaires, Barbara, Lhasa et Fairouz elle puise confiance et bienveillance pour nous offrir ses compositions d’une profonde féminité. 

Musique du monde, chanson française ? Cet album transcende les catégories pour mieux nous emporter dans sa sensuelle mélopée au confluent des musiques traditionnelles, du folk et du classique.
Fidèle du musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Blaubird (la chanteuse Laure Slabiak) s’est produite plusieurs fois en nos murs. Avec ses complices Michel Chick et Olivier Slabiak, Blaubird reviendra, on l’espère, faire résonner son chant dans l’écrin intime et chaleureux qu’est l’auditorium du mahJ.

Sophie Andrieu, responsable de l’auditorium


Littérature

Lettres dans la forêt

Hélène Cixous et Cécile Wajsbrot, Extrême contemporain, 2022, 150 pages, 14€

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Lettres dans la forêt

D’avril 2020 à octobre 2021, Hélène Cixous et Cécile Wajsbrot saisissent ce temps suspendu imposé par le confinement pour s’engager dans un échange épistolaire intime et intellectuel.

On retrouve avec bonheur les thèmes chers à nos deux auteures : les langues, l’histoire, l’exil, les voix, les noms… Puis le lecteur, complice, est invité dans leurs lieux : Arcachon, Osnabrück, Oran, Paris, Berlin, Brême…

A la suite d’Une Autobiographie allemande publiée en 2016 - dialogue qui mettait à jour la part de l’Allemagne présente en chacune d’elles et dans leurs œuvres-, Lettres dans la forêt est un livre sur la littérature, sa puissance et ses silences. Sitôt cet opuscule refermé, on est entraîné vers d’autres textes, ceux de Adler, Kafka, Hess, Lagerlöf, Montaigne, Stendhal …
Un voyage au cœur du monde, celui de l’écriture, des errances, des silences, et de l’amitié

Sophie Andrieu, responsable de l’auditorium


Juifs sans argent

Michael Gold, Nada éditions, 2018, 347 pages, 20€

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Juifs sans argent

Lower East Side, Manhattan, 1900. Ce quartier que l’on pouvait atteindre à pied en descendant du bateau et du ferry, après le passage obligé à Ellis Island, était l’envers du rêve américain. Dans les taudis, les immigrés juifs s’entassaient alors et se tuaient à la tâche. Dans la rue, les gamins grandissaient entre prostituées, gangsters et vendeurs ambulants. Parmi eux, le jeune Mike fait ses premières expériences de la vie. Une lecture qui rappelle les premières scènes du film Il était une fois l’Amérique de Sergio Léone.

Michael Gold, qui se choisit ce pseudonyme provocateur, voulait en finir avec les clichés. Publié aux États-Unis en 1930, Juifs sans argent parut en français dès 1932 dans une traduction de Paul Vaillant-Couturier, dont la préface a été reprise dans la présente édition.

Pascale Samuel, conservatrice des collections d'art moderne et contemporain


Histoire

 Adieu Varsovie ! Quand la Pologne chassait les rescapés de la Shoah

Janka Kaempfer Louis, Ampelos, 2021, 173 pages, 13€

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Adieu Varsovie

Remarquable témoignage d’une fille de juifs polonais sur l’histoire de ses parents et de sa famille. A travers son récit, on prend connaissance de plusieurs pans de l’histoire des juifs en Pologne, notamment après 1945.

Après la Shoah, les juifs continuent à y être discriminés, des vagues d’antisémitisme entraînant leur fuite, dont celle de l’auteure et de ses parents, parents embrassant chacun une histoire particulière. La mère de l’auteure ayant entre autres participé à de nombreuses activités de résistance dans le ghetto de Varsovie, fait silence après la guerre sur tout ce qu’elle a traversé, et le père n’en racontera pas plus. Une fois séparés, ils partiront chacun dans un pays différent et Janka Kaempfer Louis dans un troisième. C’est elle qui témoignera pour eux, par l’écriture.

Le propos, intime, est aussi transversal, entre récit familial et récit collectif. Beaucoup de photos de la famille et de la Pologne à l’époque illustrent le texte, apportant une dimension supplémentaire à l’ouvrage.

Ruben Marx, libraire


Beaux-Arts

Sam Szafran, Obsessions d’un peintre

sous la direction de Julia Drost, avec Sophie Eloy, Musée de l’Orangerie-Flammarion, 2022, 191 pages, 39 €

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Sam Szafran

Menacé de mort pendant son enfance, enfant caché, Sam Szafran a perdu une partie de sa famille dans la Shoah. Dans plusieurs entretiens avec Alain Veinstein (Flammarion, 2013), il confie que la peinture serait un moyen de « garder un contact » avec ses chers disparus, de prolonger le souvenir de ce temps heureux où le cercle familial et bienveillant s’extasiait devant ses dessins. « Cet intense bonheur », à l'origine de son énergie créatrice, se retrouverait dans ses tableaux d’une nature luxuriante qui envahit son atelier jusqu’à saturer la toile. L’atelier deviendrait un espace de vie ouvert à la croissance incontrôlée voire menaçante des plantes, effaçant les frontières entre le dedans et le dehors. Cela reste le lieu refuge du peintre, espace rassurant dans lequel est représentée la figure amie de sa femme. Autour d’une poétique de l’espace et de la mémoire, de nombreuses correspondances existent entre l’œuvre de Szafran et celle de Georges Perec, dont Szafran était un fervent lecteur et auquel il a dédié un tableau Lilette dans les feuillages (Hommage à Georges Perec).

Le musée de l’Orangerie expose une soixantaine de pastels, aquarelles, « aquarelles pastellisées» et fusains, nous permettant d’explorer les « obsessions » de Sam Szafran : ateliers, escaliers, philodendrons, lianes et feuillages … Le catalogue d’exposition propose de nouvelles interprétations essentielles, à travers les articles de Jean Clair, Julia Drost, Sophie Eloy, Scarlett Reliquet et plusieurs autres contributeurs. Une œuvre fascinante et obsédante d’un peintre autodidacte et virtuose, survivant funambule, à (re)découvrir d’urgence !

Myriam Soussan, responsable adjointe de la librairie


Essai

Des blancs comme les autres ? Les juifs, angle mort de l’antiracisme
Illana Weizman, Stock, 19,50 €

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Des blancs comme les autres ?

Cet essai d’Illana Weizman, entremêlant recherche historique, analyse sociologique et récit personnel, étudie avec minutie la place des Juifs en France, et notamment dans les
mouvements de pensée antiracistes, ainsi que dans les luttes qui en découlent.

 

S’appuyant sur l’histoire de l’antisémitisme, Illana Weizman éclaire de façon précise les
stéréotypes et les phénomènes antisémites qui se perpétuent aujourd’hui.


Ce texte est éclairant par sa pertinence, par la qualité de son écriture et par ses nombreux
messages d’unité.

 

 

 

 

 


Bande dessinée

La Synagogue

Joann Sfar, Dargaud, 25,50 €

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Sfar la synagogue

Alors qu’il se trouve à l’hôpital, gravement atteint de la Covid 19, et qu’il écoute l’injonction du médecin de se battre contre la maladie, Joann Sfar repense aux combats de sa jeunesse à Nice. Après une agression de skinheads le jour de sa Bar-Mitzva, suivant les conseils de son père, lui-même bagarreur, il s’engage dans l’apprentissage des sports de combat -sans pour autant faire usage de ses poings. Plus tard, ce sera le dessin qui deviendra son mode d’expression, s’inscrivant ainsi dans la ligne « radicalement pacifiste » de son grand-père, qui lui avait combattu le nazisme.

Une BD autobiographique au dessin malicieux et talentueux, plaidoyer contre la violence, La Synagogue est une fenêtre sur l'adolescence, l’identité juive, l’engagement militant de l’auteur du Chat du rabbin contre l'antisémitisme et ses nouveaux visages.


Jeunesse

Mais qui a bien pu inventer l'école ? Et plein d'autres questions qu'on se pose en y allant...

Shoham Smith (texte), Einat Tsarfati (illustrations), Helvetiq, 79 pages, 19,90 €

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Mais qui a bien pu inventer l'école

Qui a inventé l'école ? Quand ? Pourquoi ? À quoi ressemblait l'école dans le passé ? C'est à ces questions et à bien d'autres que ce bel album documentaire jeunesse répondra !

Le texte plein d'humour de Shoham Smith, ainsi que les illustrations colorées et drôles d'Einat Tsarfati, offrent aux enfants à partir de 8 ans un voyage dans le temps à la découverte des divers modes d'éducation, de la préhistoire à l'époque moderne, en passant par l'Égypte et la Grèce antique, ou encore l'ancien Israël.

On y apprendra, par exemple, qu'il y a près de 2000 ans, le sage Shimon ben Shetah développa le concept d'école et trouva son nom en hébreu « beit sefer », littéralement « la maison du livre »... et qu'un autre sage, le Grand-prêtre Josué ben Gamla créa des écoles pour les enfants juifs âgés de plus de 6 ans. 

Après quatre albums jeunesse traduits de l'hébreu par l'émérite Rosie Pinhas-Delpuech et parus aux éditions Cambourakis, ce nouvel album de la talentueuse illustratrice israélienne Einat Tsarfati est traduit par Anath Riveline.


Littérature

Le ghetto intérieur

Santiago H. Amigorena, Folio, 2021, 178 pages, 7,80 €

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Couverture Le ghetto intérieur Amigorena

Vicente Rosenberg est un juif argentin-polonais, vendeur de meubles à Buenos Aires. Il a quitté Varsovie en 1928, mais y a laissé son frère et sa mère qui n’ont pas voulu le suivre.

Alors que le nazisme s’installe en Europe, chaque nouvelle de l’horreur qui y règne l’accable. Sa vie devient un tourment de souffrances et de cauchemars, aussi finit-il par s’emmurer dans un silence quasi total. Il perd le contact avec tout, son travail, ses amis, sa famille et le réel, perd chaque soir son argent aux cartes, s’enfonce de plus en plus et erre sans but dans l’immensité de Buenos Aires.

Ce livre est magnifiquement écrit par Santiago H. Amigorena, petit-fils de Vicente Rosenberg.

Page après page, le lecteur déambule dans la capitale argentine, où Vicente est habité par de multiples questions : l’exil, la famille, la judéité, la culpabilité, et une certaine solitude.

Visionnez la vidéo de la rencontre à l'auditorium avec Santiago Amigorena, à l'occasion de la parution de son roman Le ghetto intérieur.


Un fil rouge

Sara Rosenberg, traduit par Belinda Corbacho, éditions La Contre-allée, 257 pages, 9,50 €

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Couverture un fil rouge Rosenberg

Face à la brutalité de la dictature en Argentine dans les années soixante-dix, une écrivaine,
Sara Rosenberg, et comme en miroir son héroïne, Julia Berenstein, semblent se regarder.
La première témoigne, la deuxième a disparu. Un troisième personnage pose un regard sur
l’histoire de Julia, Miguel, à travers sa volonté de faire un film où parleraient tous ceux et
toutes celles qui ont croisé les combats et le destin funeste de Julia.

Ce roman, c’est l’histoire de Julia et des disparus de la répression en Argentine, c’est aussi l’histoire des luttes sociales et politiques où les immigrés juifs ont pris part, comme Julia Berenstein, Sara Rosenberg, et tant d’autres, traçant par leurs engagements ce fil rouge qui est leur lien et traverse ce livre comme un guide.

 


Essai

Vivre avec nos morts. Petit traité de consolation

Delphine Horvilleur, Le livre de poche, 206 pages, 7,40 €

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Couverture Vivre avec nos morts Horvilleur

En tant que rabbin, Delphine Horvilleur a aussi pour mission d’accompagner les familles endeuillées et de mener au cimetière l’office funéraire en hommage au défunt. À travers les portraits de personnalités, d’anonymes et de leurs proches, elle partage avec le lecteur cette expérience particulière de proximité avec la mort et nous éclaire sur les rites de deuil dans le judaïsme.

Dans Vivre avec nos morts, Delphine Horvilleur nous confie une part de son histoire familiale, hantée par des disparus dans la Shoah, héritage de silence qu’elle tisse à son existence et fait vivre dans son écriture, en une forme d’ouvrage de réparation.

Un livre intelligent et sensible, pour un judaïsme ouvert, le dernier best-seller de Delphine Horvilleur à découvrir en poche !
 

 

 

 


Jeunesse

Un si petit jouet

Texte d'Irène Cohen-Janca, mis en images par Brice Postma Uzel, les éditions des Éléphants, 31 pages, 14,50 € 

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Couverture Un si petit jouet Irène Cohen-Janca

Récit tout en délicatesse d'une fillette qui a dû quitter son pays en guerre. De sa maison aux murs blancs, baignée de soleil et entourée de grenadiers, elle n'a pu emporter qu'une seule valise trop petite pour contenir son grand et bel ours blanc, en peluche.
Alors, un tout petit jouet comme sa poupée Léo, c'est idéal, car ça s'emporte partout et ça tient caché dans la main, dans la poche, la trousse d'école et aussi dans un gant de laine quand il fait très froid.
Née à Tunis au milieu des années 50, Irène Cohen-Janca, arrive en France à l'âge de 7 ans. Grande lectrice dans ses jeunes années, conservateur de bibliothèque en région parisienne durant toute sa carrière professionnelle et écrivain jeunesse prolixe, elle est l'auteure de plus de trente romans et albums parus en deux décennies.
Dans ce dernier album, elle aborde avec beaucoup de poésie le sujet de l'exil.

La typographie épurée et les illustrations de Brice Postma Uzel, avec un choix limité de couleurs (le bleu, le vert, le rouge et l'argent) et de nombreux dessins en ombre chinoise, accompagnent élégamment et sobrement le texte.


Jeunesse

À la rencontre de Marcel Proust

Claudine Guilhot, Textes et créations tissus de Claudine Guilhot, dessins de Carö, auto-édition, 2022, 32 pages, 18€ 

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Quelques rares ouvrages destinés au jeune public (voire très jeune public) ont été édités autour de Marcel Proust et de son œuvre. Celui que vient de faire paraître Claudine Guilhot s'adresse plutôt aux collégiens et permet de leur faire découvrir de façon ludique et didactique le monde de Proust en treize rubriques autour des thèmes de la naissance, de l'enfance, des amours, des saveurs, de la peinture, des fêtes, de la nuit ou encore de l'autoportrait.

Sur fond d'une création en tissus de Claudine Guilhot, chaque thème offre l'occasion d'évoquer un aspect de la vie de Proust, de présenter sous forme de paperoles de courts extraits de son œuvre et d'inviter le jeune lecteur à s'interroger sur lui-même, ses goûts, ses expériences.

Parallèlement à sa carrière de professeur des écoles et de formateur auprès d'enseignants, Claudine Guilhot a également publié plusieurs ouvrages scolaires consacrés aux arts visuels autour du tissu, des habits.

Dans ce nouvel ouvrage, elle aspire à faire partager de manière accessible son admiration pour l’œuvre de Proust à un public qu'elle connaît très bien, puisqu'elle lui a consacré sa carrière professionnelle.


Israël

Marrakech-Jérusalem

Patries de mon âme

Shlomo Elbaz, préface de Yehuda Lancry, Avant-propos, 317 pages, 20,95 €

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Homme de lettres, homme de paix, Shlomo Elbaz a aussi été un formidable enseignant -instituteur de l’École de l’Alliance israélite universelle à Marrakech, puis professeur de littérature française et comparée à l’université hébraïque de Jérusalem, investi dans la formation d’une jeunesse juive sioniste.

Engagé dans le dialogue avec les Palestiniens, il crée le mouvement « L’Orient pour la Paix » en 1983, persuadé que les Sépharades -par leur vécu et leur connaissance de la langue arabe- peuvent tisser plus facilement des liens et imaginer une coexistence avec leurs voisins.

Ce livre posthume est composé d’une compilation de textes de Shlomo Elbaz, introduits par Emmanuelle Main. Le lecteur découvre son parcours de vie et la palette de ses engagements, sa sensibilité poétique et son regard visionnaire : « (…) L’appartenance au peuple juif, à son histoire et à sa culture, ne saurait être l’exclusivité de l’orthodoxie.

Il n’y a pas qu’une seule voie vers le judaïsme. Il y a place pour toutes les nuances : orthodoxe, réformée-libérale, traditionaliste, laïc. Seul le pluralisme sauvera le judaïsme de l’éclatement. (…) Ma judéité, et mon sionisme, sont donc essentiellement à caractère laïc, humaniste, pacifiste. »

Articles de journaux, articles universitaires, textes intimes, tout y passe dans Marrakech-Jérusalem, patries de mon âme. Les écrits de Shlomo Elbaz sont riches et pluriels : analyses pointues de textes d’Albert Memmi ou d’André Chouraqui, récits d’enfance et description minutieuse des mœurs des Juifs des lieux qu’il côtoie.

Marrakech et Jérusalem sont décrites dans les moindres détails, chaque angle de rue est raconté par Shlomo Elbaz, passionné et exalté par l’ambiance et l’histoire de ces villes.

Il évoque aussi l’exil, les questions identitaires et familiales qui l’habitent. Son style d’écriture est notable, présent dans cet ouvrage lucide, beau et sincère, qui transmet un immense message d’ouverture.


Le mouvement des kibboutz et l’anarchie

Une révolution vivante

James Horrox, traduit de l'anglais par Philippe Bloui, éditions de l’éclat, 328 pages, 2018, 15€

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Cet ouvrage traite de l’histoire politique et anarchiste des kibboutz tout au long du vingtième siècle. Sur une terre « sujette aux tremblements », une multitude d'expérimentations sociales ont émergé, se voulant égalitaires, utopistes, socialistes et révolutionnaires, fortement influencées par la pensée anarchiste, notamment par celle de Kropotkine, dont les écrits sont arrivés avec les migrants russes et européens.

Le fonctionnement interne des kibboutz et de leurs habitants y est détaillé avec minutie, tout au long d’une analyse politique très approfondie sur les formes de démocratie directe,
l’approche révolutionnaire du rapport au travail, à la productivité, ainsi que les multiples formes qu’ont pu prendre ces communautés que Martin Buber allait jusqu’à appeler « la communauté de communautés ».

James Horrox interroge les liens à la fois consensuels et contradictoires entre le mouvement des kibboutz qu’il appelle « sionisme culturel » et celui du « sionisme politique » qui va se développer jusqu’à aboutir à la naissance de l’Etat d’Israël en 1948.

Et même si le mouvement connaît par la suite une forme de décroissance, l’auteur nous entraîne à voir, à travers l’évolution permanente des kibboutz, un espoir constant de renouveau possible.


Shoah

Le Ravin

Une famille, une photographie, un massacre au cœur de la Shoah

Wendy Lower, traduit de l'anglais par Johan-Frédérik Hel Guedj, préface de Johann Chapoutot, Tallandier, 313 pages, 20,90 €

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Historienne et spécialiste de la « Shoah par balles » en Ukraine, Wendy Lower s’intéresse à une photographie en particulier, qui lui a été présentée en 2009.

Prise le 13 octobre 1941, à Miropol (actuelle Myropil), cette photographie nous montre l’assassinat d’une femme juive courbée devant une fosse, tenant par la main un enfant, par des tueurs debout, pointant leurs fusils à quelques centimètres de distance.

Ce document historique, a priori impénétrable, se révèle grâce à une enquête minutieuse et haletante. Wendy Lower parvient à reconstituer son contexte, à identifier les victimes, à démasquer les meurtriers, à retrouver le nom du photographe…

La femme, portant la robe à pois, serait Khiva Vaselyuk avec Boris Sandler, le petit garçon de dos, et Roman Vaselyuk (le deuxième enfant que Khiva tenait courbée sur ses genoux).

Cet ouvrage de micro-histoire accomplit un travail essentiel qui offre de la « dignité aux victimes », retrouve leur identité -des noms, des visages sauvés de l’anonymat et de l’oubli.

Linguistique

El Nehama al reverso. Vocabulaire français/judéo-espagnol

Alain de Tolédo, Éditions Muestros Dezaparesidos, 2021, 322 pages, 46 €

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Quand, à Paris en 1978, le linguiste et professeur d'études judéo-espagnoles Haïm-Vidal Sephiha fait découvrir au jeune Alain de Tolédo « le Nehama », en fait, le Dictionnaire du judéo-espagnol, une somme constituée avec patience et rigueur, en français, par l'érudit salonicien Joseph Nehama et publiée de manière posthume en 1977 à Madrid par le Consejo superior de investigationes cientificas (équivalent de notre Cnrs), c'est l'éblouissement.

Mais, pour Alain de Tolédo et sa génération, c'est-à-dire les enfants de tous ces Juifs sépharades qui avaient quitté l'espace judéo-espagnol (Turquie, Grèce, Balkans), il manquait également l'outil inverse, un dictionnaire français / judéo-espagnol. C'est alors que lui vint l'idée « simple » de « prendre le Nehama et le mettre à l'envers ».

Après des années d'un travail de bénédictin et l'adaptation à l'ère numérique, le tapuscrit, avec ses 16 000 entrées et plus de 80 000 mots, circulait uniquement chez quelques « spécialistes » à qui il était fort utile.

Grâce aux éditions de son association « Muestros Dezaparesidos », qui a déjà fait paraître un ouvrage monumental, le Mémorial des Judéo-Espagnols déportés de France (2019, 720 pages, 29€), Alain de Tolédo met aujourd'hui à disposition des amateurs de cette langue en péril, un formidable outil leur permettant d'enrichir leur expression écrite et orale.

Ce précieux « vocabulaire français / judéo-espagnol » (dialecte de Salonique) qui s'utilise en complément de l'inestimable Dictionnaire du judéo-espagnol de Joseph Nehama (réédité régulièrement par les Éditions de la Lettre Sépharade depuis 2003) vient compléter les usuels indispensables que sont le Manuel de judéo-espagnol de Marie-Christine Varol et le Dictionnaire français judéo-espagnol de Klara et Élie Peharia (L'Asiathèque, Langues & Mondes, tous deux parus en 1998 pour la première édition, dialecte d'Istanbul).


Jeunesse

Je me souviens

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Gilles Rapaport, Gallimard jeunesse, 2020,  34 pages, 13,50 €

Avec une grande économie de mots, Gilles Rapaport nous rappelle la chance que nous avons de vivre dans un pays démocratique, illustrant son propos par l’évocation du parcours de sa famille, accueillie en France, puis cachée pendant la guerre.

Cette ode aux valeurs républicaines résonne comme un message nécessaire, en ces temps où la démocratie est menacée en Europe. Un album à prescrire, à partir de 7 ans.


La vie est belle, belle toujours

Vivianne Faudi-Khourdifi, illustré par Clairon (Claire Boireau), Éditions DeLugène, 2019, 108 pages, 7 €

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Dans les années 1970, Jean, 10 ans, passe ses vacances chez sa tante Adélaïde Hautval. Dans la petite maison de Groslay, en banlieue parisienne, entouré par « Tante Haïdi » et Lolotte, colocataire et amie fidèle, le jeune garçon mène une vie agréable, entre observation de la nature et des animaux, concerts de musique (lui à la flûte traversière, sa tante au piano) et dégustation de savoureuses pâtisseries alsaciennes « faites maison ».

Un dimanche après-midi pluvieux, une jeune fille sonne à la porte, une vieille valise à la main. Quels secrets contient cette mystérieuse valise tout droit sortie de la sombre période de la Seconde guerre mondiale ? Quel a bien pu être le rôle de « Tante Haïdi » à cette époque ?

Dans ce petit roman commandé par la municipalité de Guebwiller pour expliquer aux enfants de la future école Adélaïde Hautval qui elle était, l'auteure dresse le portrait de cette résistante protestante discrète, « amies des Juifs », internée à Pithiviers puis à Beaune-la-Rolande, avant d'être déportée à Auschwitz-Birkenau puis à Ravensbrück où comme médecin, elle aida de nombreuses femmes à survivre. Adélaïde Hautval a été nommée « Juste parmi les nations » en 1965. 


L'ami retrouvé

Fred Uhlman, illustré par Manuele Fior, "la petite littéraire" Futuropolis Gallimard, 2022, 14,90€

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L’amitié passionnelle entre deux adolescents d’un lycée renommé de Stuttgart, au milieu des années trente. Hans Schwarz et Conrad von Hohenfels sont complices, partagent beaucoup, se séduisent même, et semblent planer au-dessus du grabuge.

Hans, le narrateur, est juif, fils d’un médecin de la classe moyenne. Conrad, lui, est issu d’une très grande famille de l’aristocratie allemande, respectée, riche, célèbre, et antisémite. Les deux garçons, tiraillés chacun par la contradiction que représente leur relation, oscillent entre fusion et rejet. Au fur et à mesure du récit, Hans prend conscience de la montée de l’antisémitisme autour de lui, son amitié avec Conrad est mise à l’épreuve et sa relation au monde extérieur aussi : il est harcelé et violenté au lycée par ses « camarades » de classe et ses parents finissent par l’envoyer aux États-Unis pour le protéger. Il ne les reverra jamais.
Des années plus tard, Hans, devenu avocat à New-York, apprend finalement ce qui est
arrivé à son ancien ami Conrad.

Cette nouvelle édition du célèbre roman de Fred Uhlman est illustrée avec élégance. Les dessins de Manuele Fior sont travaillés, calmes, lumineux.


Littérature

Livres d’artiste

Ricardo Bloch, éditions numérotées et signées, limitées à 30 exemplaires en vente exclusive à la librairie du mahJ

À la recherche du Bloch perdu, 27€

À la recherche du Proust perdu, 34€

À la recherche du sens premier. Du côté de chez Swann, page 1 (annotée), 24€

À la recherche du sens perdu I. Du côté de chez Swann, page 1, 38€

Lettres choisies, 24€

À la recherche du texte perdu : Marcel Proust, Du côté de chez Swann, page 1, préface de Daniel Pennac, Philippe Rey, 2019, 12€

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Ricardo Bloch est un artiste franco-mexicain qui perçoit le livre d’artiste comme le médium idéal pour déployer une œuvre conceptuelle. Il a imaginé, conçu et édité un ensemble de livres originaux à la mode oulipienne autour de Marcel Proust, de son chef-d’œuvre et de la figure de Bloch, personnage ambigu d' À la recherche du temps perdu.

L'artiste explore dans ses ouvrages les aléas de la traduction automatique et la place dans l’histoire et la culture françaises d’un nom de famille. Il joue avec les maquettes de premières de couverture, la typographie, la mise en page, les notes de bas de page et s'applique à dresser des listes.

Le lecteur prendra plaisir à parcourir les traductions automatiques de la première page d'À la recherche du temps perdu en plusieurs dizaines de langues différentes, langues familières européennes ou langues plus « exotiques » comme le cingalais, le gujarati ou le zoulou. Il se régalera a coup sûr du résultat de la re-traduction de ces langues vers le français. Il s'étonnera avec amusement de la concision et de l'étrangeté de ce texte « Allez-y, regardez et profitez-en ! Je me souviens du temps où Carol Francis avait quatre chevaux. Il me respecte. », obtenu après la traduction de la première page d' À la recherche du temps perdu en plus de cent langues (de l'afrikaans au zoulou, en passant par l'hébreu et le yiddish), avec à chaque opération de traduction un va-et-vient avec le français.

« Une rencontre surprenante qui a éveillé ma curiosité. Ce que j'ai aimé dans le travail d'artiste de Ricardo Bloch, c'est sa démarche sur la forme, la construction et les subtilités du texte. »

Yaële Baranes, conférencière du mahJ

« Le travail de Ricardo Bloch est jubilatoire et intelligent. Ses livres d’artistes sont des œuvres que l’on peut mettre dans sa poche pour les offrir aux amateurs de Proust et à tous ceux qui aiment jouer avec les mots. »

Pascale Samuel, conservatrice de la collection d’art moderne et contemporain du mahJ


Le silence est d'or

Yonatan Sagiv, traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche, L’Antilope, 2022, 430 pages, 22 €

Dans la Tel-Aviv d’aujourd’hui, Oded Hefer, détective privé original, anti-héros gay, qui

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s’exprime en mélangeant le masculin et le féminin, se voit confier par sa grand-mère Nouki Feïn, résidente d’une maison de retraite, la mission de retrouver « son » chat Samuel. La recherche du félin le mène rapidement à découvrir le cadavre d’un autre pensionnaire Réuven Shalev. L’aide-soignant Djihad Kadri, que Réuven a insulté peu avant le meurtre, semble le coupable idéal…

Roman policier décalé, à la langue rythmée, colorée et rugueuse à la fois, l’ouvrage parvient aussi à évoquer la minorité palestinienne d’Israël et à révéler une page enfouie de l’histoire de la guerre d’Indépendance.


Dieu était en vacances

Julia Wallach et Pauline Guéna, Grasset, 2021, 152 pages, 16 €

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Témoignage de Julia Wallach sur sa déportation à Auschwitz-Birkenau et les marches de la mort qui s’ensuivent. Le récit, saisissant par son ton direct et littéral, est parsemé de ses souvenirs familiaux dans le Paris d’avant-guerre. Des scènes d’une grande douceur se mélangent à l’horreur. On est saisi par les mots et l’histoire de Julia Wallach. Elle nous aide à se souvenir. Un livre important.

A noter l'existence du DVD du film de la petite-fille de Julia Wallach : Trop d'amour (Ex Nihilo) de Frankie Wallach, disponible à la Librairie du mahJ.


La carte postale

Anne Berest, Grasset, 2021, 501 pages, 24 €

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Tout commence par une carte postale mystérieuse, portant quatre prénoms, ceux des disparus dans la Shoah de la famille d’Anne Berest. Point de départ d’une enquête captivante, ce roman de la transmission entre plusieurs générations retrace l’histoire de la grand-mère de l’auteure Myriam et de ses arrière-grands-parents Ephraïm et Emma, depuis la Russie, en passant par la Lettonie, la Palestine, puis Paris et leur rêve d’intégration dans la société française, avant d’être piégés par la guerre. Anne Berest s’inspire de faits réels, reconstruits par sa mère Lélia grâce à son travail dans les archives, pour proprement imaginer le roman de sa famille. La dimension romanesque de la réalité participe du caractère haletant du récit : la fuite vers la zone libre de sa grand-mère Myriam dans le coffre d’une voiture, aux côtés du peintre Jean Arp, conduite par sa belle-mère Gabriële Buffet, le trio amoureux qu’elle forme, dans une bastide sur le plateau des Claparèdes en Provence, avec son mari Vicente -fils de Francis Picabia et Gabriële Buffet- et Yves Bouveris -lié au réseau de résistance de René Char- , qui deviendra son second mari. L’ouvrage offre aussi des pages consacrées aux interrogations de l’auteure sur la judéité et la résurgence de l’antisémitisme aujourd’hui. Suivant inconsciemment l’injonction de sa grand-mère de ne pas oublier ses quatre disparus, Anne Berest tisse un récit passionnant de la troisième génération de survivants, entre roman et éléments autobiographiques. Il suffit d'une brève recherche sur le site du Mémorial de la Shoah pour découvrir, le cœur serré, les visages d’Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques Rabinovitch. Un roman à savourer et à offrir sans modération !


Avant de s'en aller. Saul Bellow, une conversation avec Norman Manea

Traduit de l'anglais et du roumain par Marie-France Courriol et Florica Courriol, éditions La Baconnière, 156 pages, 11 €

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Au crépuscule de sa vie, « avant de s’en aller », Saul Bellow (1915-2005) confie à son ami écrivain Norman Manea un « fragment de [s]es mémoires » qu’il n’écrira pas. L’amitié entre les deux hommes et la connaissance que Norman Manea possède de l’œuvre de l’auteur d’Herzog (folio) ou de La planète de Mr Sammler (folio)- stimulent l’éclosion du récit. C’est un réel bonheur d’« écouter » ce parcours de vie, dont certains épisodes marquants de l’enfance nous sont contés - la solitude lors d’une hospitalisation à huit ans ou l’expérience formatrice auprès de son père dans le commerce du charbon, dans les faubourgs de Chicago : « Tu sais, on se rend seulement compte à quel point notre vie est folle lorsqu’on se met à la raconter » Dans cette riche conversation littéraire, toute une existence est traversée, de l’évocation de la place de l’écriture à la réception du prix Nobel, décerné à Saul Bellow en 1976, jusqu’à la conclusion suivante : « et au fond, je n’éprouve que de la reconnaissance pour la vie que j’ai vécue. »


La France goy

Christophe Donner, Grasset, 2021, 506 pages, 24€

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Un minutieux roman historique sur la montée en puissance de l’antisémitisme français des quelques décennies précédant la Première Guerre mondiale.

Christophe Donner enquête sur les sinistres figures de cette époque, entre autres Edouard Drumont, Charles Maurras et Léon Daudet.

On découvre leurs parcours de propagateurs de haine et, notamment, l’histoire du journal La Libre Parole et son rôle dans la construction de l’antisémitisme. Une plongée vertigineuse au cœur des mécanismes de la création d’un « autre ».


Le Pain perdu

Edith Bruck, traduit de l'italien par René de Ceccatty, éditions du sous-sol, 2022, 167 pages, 16,50€

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La langue d’Edith Bruck est rugueuse, entraînante, aux images décalées. On pense au choc éprouvé à la lecture d’Être sans destin d’Imre Kertész. Edith Bruck a 13 ans quand elle est déportée, en avril 1944, d’un village de Hongrie vers Auschwitz.

« Le Pain perdu » renvoie au pain préparé par sa mère, la nuit précédant l’arrestation de leur famille, à l’issue de la semaine de la Pâque juive. Sa mère se lamente d’avoir dû abandonner ses miches, dans une scène à la fois comique et déchirante. Pendant le voyage vers l’enfer, Edith Bruck décrit ce dernier moment de tendresse avec sa mère : « dans le wagon, c’était la première fois qu’elle me peignait, qu’elle me faisait des tresses avec l’unique ruban rouge […], en séparant mes cheveux en deux parties égales. Et personne ne pouvait être plus heureux que moi, quand je sentais ses mains tranquilles sur ma tête comme si elles y avaient trouvé un doux repos ».

Devenue « d’un coup les parents de [se]s parents », Edith Bruck aura survécu pour témoigner, « pour les autres », « à la place d’autres » qu’elle porte en elle, avec toute [s]a vie / avec chacun de [s]es gestes/ avec chacune de [s]es paroles/ avec chacun de [s]es regards./ Et quand se terminera/cette mission ? (Pourquoi aurais-je survécu ? Poèmes, Rivages poche). Son témoignage de rescapée de la Shoah constitue un miracle littéraire.


Essai

Misère de l’antisionisme

Ivan Segré, L’Éclat, 2020, 122 pages, 8 €

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Cet essai du philosophe et talmudiste Ivan Segré analyse de façon engagée les propos de plusieurs intellectuels et politiques français concernant l’État d’Israël, son histoire, sa politique, son « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur » dixit De Gaulle en 1967, au lendemain de la guerre des Six Jours et de la victoire israélienne.

Ivan Segré documente comment Israël est mis au banc des accusés sous des prétextes humanistes et démocratiques quand sont passées sous silence bien des barbaries avérées et à l’occasion perpétrées par les émules de ces accusateurs.

L’ouvrage est jalonné de citations, de leurs analyses, et définissant la « portée symbolique » du conflit israélo-palestinien, pose au fil de la lecture la question centrale : d’où procède l’antisémitisme et comment un tour de magie rhétorique lui donne parfois un autre nom ?


Shoah

Paroles et images des enfants d’Izieu 1943-1944

Bibliothèque nationale de France-Maison d’Izieu, 2022, 221 pages, 29 €

Histoire d’Ivan Tsarawitch. La lanterne magique des enfants d’Izieu

Bibliothèque nationale de France, 2022, 15 €

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En 1993, Sabine Zlatin a confié à la Bibliothèque nationale de France les papiers divers, dessins, lettres, photographies laissés derrière eux par les enfants d’Izieu, après la rafle du 6 avril 1944, autant d’archives précieuses et émouvantes de leur existence sur place. Ces documents exceptionnels sont présentés actuellement à la Maison d’Izieu jusqu’au 6 juillet 2022, puis feront l’objet d’une exposition au mahJ du 26 janvier au 23 juillet 2023, « Dessins des enfants d’Izieu », placée sous le commissariat de Stéphanie Boissard (Maison d’Izieu), Claire Decomps (mahJ) et Loïc le Bail (BnF).

Conjointement à la publication d’un ouvrage très complet faisant office de catalogue, paraît Histoire d’Ivan Tsarawitch. La lanterne magique des enfants d’Izieu (BnF), un livret en accordéon présentant en fac-similés les images d’un récit d’aventure dessiné sur de longues bandes de papier, sous-titré d’une transcription du scénario selon le manuscrit original. Au cours de veillées, les petits pensionnaires projetaient ces images, tout en lisant le scénario, comme lors d’une séance de cinéma. Ce leporello illustre la vitalité créatrice des enfants d’Izieu, malgré leur situation de détresse. Il témoigne du souci de conservation et de transmission aux générations futures de ces traces bouleversantes parvenues jusqu’à nous. Un petit film d’animation commandé par la Maison d’Izieu à l’école de dessin Émile Cohn de Lyon sera visible dans l’exposition du mahJ pour redonner vie à cette œuvre, symbole d’innocence et de talents sacrifiés.

https://www.memorializieu.eu/event/expositions-dans-les-collections-de-la-bnf/


Beaux-Arts

Dorothée. A bikhele lider

Un petit livre chantant d'Isabelle Georges, Encore Music, 24 pages, 20 €

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Isabelle Georges est une chanteuse au répertoire varié que l'on connaît bien au mahJ, entre autres pour sa collaboration avec l'ensemble Sirba Octet ou encore avec le pianiste Jeff Cohen, avec lequel elle a fait paraître en 2017 le remarquable album Vienne-Paris-New York dans lequel elle interprétait des chansons de compositeurs partis d'Allemagne et d'Autriche, passés par Paris avant d'aller aux États-Unis.

Cette artiste passionnée a construit ce petit « livre chantant » autour des chansons préférées de Dorothée Vienney, grande dame de la culture yiddish à Paris, à laquelle elle rend ainsi hommage. C'est auprès de Dorothée (décédée en février 2021), rencontre après rencontre, qu'Isabelle a appris la langue des « litvaks ». Cet émouvant livret offre 9 chants en yiddish (accompagnés de leur traduction en français et de leur transcription en caractères latins), voire en français ainsi que des textes évoquant les moments clefs de la vie de Dorothée, les souvenirs et impressions d'Isabelle (à noter que le lecteur y trouvera aussi une blague et une recette de gateau au fromage !). L'ensemble est illustré par Myriam Racine.

Sur le CD qui accompagne le petit livre, Isabelle Georges, chanteuse à la voix de velours, interprète ces textes avec simplicité et élégance.

Voilà un petit bijou à lire, à regarder et à écouter dès que possible !


Alec Borenstein. Ambivalence et beauté

Mickaël Parienté (sous la direction de), éditions Stavit, 287 pages, 75 €

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Alec Borenstein fêtera ses quatre-vingts ans ce lundi 31 janvier 2022 et l’épais volume que vient de faire paraître son ami, l’éditeur franco-israélien Mickaël Parienté, permet de découvrir sept décennies de l’œuvre de cet artiste qui n’a jamais cessé de peindre depuis son plus jeune âge. Arrivé en Israël en 1947, avant l’indépendance du pays (il est né en Sibérie en 1942, alors que ses parents fuyaient la Pologne sous occupation nazie), il reçoit à l’âge de quinze ans le prix de la Fondation culturelle Amérique-Israël Keren Sharett qui marque sa consécration en Israël comme enfant prodige et le hisse parmi les jeunes espoirs du pays. En 1972, il quitte définitivement Tel Aviv et s’installe à Paris. Son œuvre qui selon ses propres mots « oscille entre un réalisme très sévère et un certain onirisme » présente plusieurs périodes (réalisme, abstraction lyrique) et offre des séries aux thèmes récurrents comme les rues de Tel Aviv et de Paris, des motifs comme le citron, la nappe à carreaux, les boîtes en métal ou encore Freud !


Récits. Conversation avec Laure Adler

Christian Boltanski, Flammarion, 169 pages, 21 €

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En écho à l’exposition « Faire son temps » qui s’est tenue au Centre Pompidou en 2019, la couverture de ce livre d’entretiens avec Laure Adler porte, selon la volonté de Christian Boltanski qui nous a quitté l’été dernier, la photo de l’œuvre Départ et en quatrième de couverture celle d’Arrivée, la composition lumineuse qui accueillait les visiteurs et celle qui achevait le parcours d’exposition.

Entre Départ et Arrivée, cette passionnante conversation explore tout un cheminement de vie, depuis l’enfance « spéciale » de l’artiste au sein d’une famille telle un « corps collectif » en lutte pour la survie, marquée par la Shoah, jusqu’à l’évocation de la mort comme un horizon de repos et de paix.

On rit aussi à la lecture de ces récits, teintés d’anecdotes savoureuses. Dans ces échanges, sont prononcées des paroles essentielles, qui éclairent la démarche de l'un des artistes majeurs de notre époque, dont l’œuvre Les habitants de l’hôtel de Saint-Aignan en 1939 (1998) est exposée dans la courette du mahJ : « je parle de ceux qui ont disparu pour les faire revivre un peu. (…) Si mon œuvre est regardée, la réalité de leur vie sera sauvegardée. On saura qu’ils ont été. Ils ont été. »


Tout est poupée. Conversations avec Jean-Michel Bouhours

Michel Nedjar, "Entretiens" Buchet Chastel, 2021, 154 pages et 16 planches, 21€

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Michel Nedjar est un artiste plasticien et cinéaste auquel le mahJ est très attaché depuis bientôt vingt ans, puisqu'il réalisa en 2004 Poupées Pourim un ensemble de 30 pièces en tissu et matériaux de récupération (une exposition éponyme eut lieu l'année suivante, sous le commissariat de Nathalie Hazan-Brunet alors conservatrice de la collection moderne et contemporaine du musée). En 2016, l'exposition Michel Nedjar. Présences avait enchanté le foyer de l'auditorium du musée (https://www.mahj.org/fr/programme/michel-nedjar-presences-45964, voir aussi sur cette page l'entretien Les chantiers interdits de Michel Nedjar mené par Isabelle Filleul de Brohy).

Le présent recueil d'entretiens menés avec Jean-Michel Bouhours (ancien conservateur en chef du Musée national d'art moderne de Paris) offre au lecteur la chance d'entrer dans l'univers singulier de cet artiste qui de l'art dit « brut » au cinéma expérimental (underground) a forgé une oeuvre multiple, inspirée entre autres des cultures mexicaines, afro-caribéennes et de différentes spiritualités.

Sa jeunesse, les différentes périodes de son travail, les rencontres amoureuses, artistiques et intellectuelles sont retracées. Le tournant du milieu des années 2000 avec sa rencontre avec Nathalie Hazan-Brunet (mahJ) et le travail Poupées Pourim est évoqué et défini par l'artiste comme « un retour à l'enfance, un moment jubilatoire ».

Michel Nedjar fêtera ses 75 ans dans quelques mois et continue son travail. Une vie de création entre ombre et lumière, pulsion et réflexion, ordre et désordre : selon Jean-Michel Bouhours « mouvement profond et lent de renversement entre la noire inquiétude de ses débuts vers une certaine sérénité spirituelle devant l'accomplissement d'un cycle ».


Filiations

Michel Nedjar, Lienart-Domaine départemental de Chamarande, 2021, 160 pages, 20€

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« J’ai une identité multipolaire, millénaire, qui suis-je dans tout ça ? » Michel Nedjar

Pour compléter la lecture du recueil d'entretiens avec Michel Nedjar (voir recension ci-dessus) et pour ceux qui n'ont pas eu la chance de visiter l'écrin bucolique du Domaine départemental de Chamarande qui présentait jusqu'au 9 janvier dernier l'exposition « Michel Nedjar. Filiations », le domaine a édité avec Lienart un magnifique catalogue sous la direction de Nathalie Hazan-Brunet et propose sur son site une visite virtuelle :

http://chamarande.essonne.fr/exposition-michel-nedjar-filiations-du-25-septembre-2021-au-9-janvier-2022/

Dans cet ouvrage lumineux, la présentation des œuvres est précédée de deux beaux textes de Philippe Comar et de Jean-Michel Bouhours ainsi que d'un texte épistolaire de François Ardeven.

Ce catalogue de la toute dernière exposition des œuvres de Michel Nedjar est en vente exclusive au Domaine de Chamarande et à la librairie du mahJ !


Bande dessinée

Les lettres d'Hilda Dajč

Aleksandar Zograf, traduit de l'anglais par Fanny Soubiran, L'Association, Coll. « Patte de mouche », 24 pages, 3€

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Dans cette courte biographie, l’auteur de bande dessinée serbe Aleksandar Zograf retrace le destin et l’engagement d'Hilda Dajč, jeune fille serbe d'origine viennoise qui se porte volontaire en tant qu'infirmière à l'hôpital juif de Belgrade en avril 1941, après l'invasion de la Yougoslavie par l'Allemagne nazie. Cette brillante étudiante en architecture de dix-neuf ans est ensuite envoyée au camp de Sajmište (infrastructure équipée d’espaces d’exposition, de restaurants, de galeries et de salles de concert, ouverte au public en 1937-1938 pour accueillir la foire de Belgrade), situé à seulement quelques enjambées du centre historique de Belgrade. Comme la plupart des détenus juifs du camp, femmes, enfants et personnes âgées, elle est exterminée par les nazis, asphyxiée dans un camion à gaz en 1942, à une date inconnue. L’auteur a adapté et a reproduit des extraits de quelques lettres d'Hilda Dajč envoyées à deux amies de lycée. Seules quatre lettres, dont trois sortirent clandestinement du camp, ont été miraculeusement conservées (les trois premières sont déposées au Musée historique juif de Belgrade et la quatrième aux Archives historiques de Belgrade).

« Nous sommes si proches du monde extérieur et pourtant si loin de tout le monde. Nous n'avons de contact avec personne ; la vie de chacun à l'extérieur suit son cours comme s'il n'existait pas, à un demi-kilomètre de là, un abattoir contenant 6000 innocents ».


Judaïsme

Le Livre d'Esther

d'après la meguilah de Salamanque (XVe siècle), illustrations de Maeva Rubli, traduction de l'espagnol par Julia Chardavoine, postface du professeur Carlos N. Sainz de la Maza, Lior éditions, 20 € le volume, 112 pages (version originale en espagnol ou traduction en français) / 40€ le coffret (avec les deux volumes)

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Sous la direction rigoureuse et soigneuse de François Azar, les éditions Lior œuvrent depuis plusieurs années à la promotion et au renouveau de la culture judéo-espagnole. Leur dernière parution, une édition en deux volumes sous coffret du texte d'un manuscrit médiéval espagnol du livre biblique d'Esther est une véritable merveille !

Comme chacun sait, le rouleau d'Esther, lu chaque année à la synagogue lors de la fête de Pourim, commémore l'intervention de Mardochée le Juif et de sa filleule, la reine Esther, qui inversent le sort et sauvent leur peuple du projet d'extermination fomenté par Haman, conseiller du roi perse Assuérus.

Cette toute nouvelle édition bilingue laisse une place majeure aux illustrations. Le texte biblique, magnifié par les couleurs éclatantes et les dessins à la fois modernes, joyeux et inquiétants, l'est également par la poésie de la langue (tant dans sa version originale espagnole du XVe siècle, traduction assez littérale du texte hébreu, que dans sa traduction française).

Courez au musée ce dimanche pour danser au grand bal de Pourim et pour vous procurer à la librairie ce coffret dont vous ferez vos délices ! 

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